mercredi 26 novembre 2008

Suicide d'un mineur à l'EPM de Meyzieu : un rapport détaille les "graves lacunes"



La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) vient de publier un rapport qui détaille de "graves lacunes" au sein de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu (Rhône), après le suicide en février d'un mineur de 16 ans. Libération a obtenu copie de ce rapport, qui raconte un suicide annoncé après de multiples alertes, de nombreux passages à l'acte…

C'était avant la vague de suicides très médiatisée de ces derniers mois. Le 2 février dernier, Julien était retrouvé pendu dans sa cellule de l'EPM, où il était incarcéré depuis le 17 décembre 2007, après une condamnation à deux mois de prison pour vols avec violences. Il est décédé le 4 février à l'hôpital. Premier suicide à l'EPM de Meyzieu, pionnier de ce type d'établissement.

Saisie par une sénatrice, la CNDS, autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect de la déontologie au sein des métiers de la sécurité, a rendu le 17 novembre un avis confidentiel, qui s'appuie pour l'essentiel sur un rapport de l'Inspection générale des services pénitentiaires. Libération en a obtenu copie lundi. Le document, transmis à la ministre de la Justice Rachida Dati, relève "de graves lacunes" de la direction de l'EPM. Celle-ci a par ailleurs menti sciemment après les faits. Le directeur, à plusieurs reprises, a affirmé qu'il n'y avait pas de signes préalables, et que Julien n'avait commis "qu'une" tentative de suicide. Le garçon était en réalité passé au moins quatre fois à l'acte. Le responsable contestait par ailleurs la première tentative, le 27 décembre 2007. Le rapport révèle que le directeur a lui-même signé un rapport signalant le suicide.

L'inspection des services pénitentiaires a repris dans le détail les semaines qui ont précédé le suicide de Julien. Le résultat est accablant. Les tentatives de suicide ont été nombreuses, signalées, et l'administration savait pertinemment qu'il existait un risque important pour cet adolescent. Mais elle a visiblement choisi, tout comme la Justice, de réprimer ces gestes d'autodestruction, jugés comme autant d'actes capricieux ou délinquants.

Le 27 décembre 2007, Julien avait déjà tenté de s'étrangler et l'hôpital où il avait été conduit avait souhaité l'hospitaliser pour faire un bilan physique et psychiatrique. Mais le directeur adjoint de l'EPM avait ordonné aux surveillants qui accompagnaient le jeune détenu de signer une décharge et de le ramener à l'EPM. Le 29 décembre, Julien, qui avait passé les fêtes de Noël sans visite (l'administration avait refusé celle de son père car il manquait un papier) s'était pendu une première fois. Des surveillants l'avaient décroché immédiatement, puis il avait été laissé seul dans sa cellule. Il avait recommencé une demi-heure plus tard, et avait cette fois été hospitalisé.

De retour à l'EPM le soir du Nouvel an, Julien avait été placé sous "surveillance spéciale". Ce qui ne l'a pas empêché de se passer une cordelette autour de son cou le 5 janvier. Un surveillant est parvenu à le plaquer contre un mur avant qu'il ne se jette dans le vide. L'adolescent lui a reproché de l'avoir sauvé. Il affirmait vouloir recommencer "le plus vite possible", et un premier surveillant s'alarmait de ce "comportement significatif". Une fois de plus, Julien a été replacé seul dans sa cellule, au milieu de la nuit.

Un surveillant a ensuite noté sur un logiciel : "J'attire votre attention sur le risque suicidaire de ce détenu qui vient de faire sa troisième tentative". La commission souligne le comportement exemplaire des éducateurs et surveillants du centre. Elle n'épargne en revanche pas la direction.

Le 15 janvier, Julien avalait d'un coup tous ses cachets et se scarifiait les bras. Une nouvelle note, dans le cahier de consigne, soulignait le lendemain : "Il n'est vraiment pas bien". Le juge des enfants qui le suivait jusque-là à Valence, alerté par des éducateurs, avait alors décidé de le faire libérer, pour l'envoyer dans un centre d'éducation renforcé où une place avait été réservée, en Haute-Loire. Mais une vice-présidente chargée des enfants à Lyon, informée, lui avait rappelé qu'il n'était pas compétent pour l'EPM de Meyzieu.

Prenant l'affaire en main, la magistrate lyonnaise avait décidé de traiter les tentatives de Julien par la répression. Elle avait supprimé une partie de ses réductions de peine, ce qui repoussait son incarcération jusqu'au 4 février (il s'est pendu le 2). Le 26 janvier, l'adolescent avait ensuite incendié sa cellule et un surveillant l'avait sauvé de justesse. Une nouvelle consigne recommandait de faire preuve avec lui d'une "extrême vigilance", pendant que le directeur demandait des "sanctions pénales". Le garçon se retrouvait à partir de ce moment-là consigné dans sa cellule, fenêtre bloqué, lumière neutralisée, sans activité. Quatre jours plus tard, il avalait un litre d'eau mélangée à du shampoing et du gel douche. Le lendemain, nouvelle alerte, d'un éducateur cette fois : "Julien est suicidaire, en souffrance, à la recherche de repères".

Le directeur le faisait transférer dans une nouvelle unité, avec ce rapport, remis à l'adolescent : "Vous êtes fortement incité à travailler autour de la question du suicide". Le samedi 2 février, Julien passait une nouvelle fois aux travaux pratiques. Un surveillant le trouvait pendu dans sa cellule. Pour la dernière fois.

Olivier BERTRAND Libération


Pays de merde !

3 commentaires:

lucil a dit…

si ça intéresse du monde, il y eu un envoyé spécial sur ce sujet (prison, que se passe-t-il derrière les murs?) voici le lien : http://envoye-special.france2.fr/index-fr.php?page=reportage-bonus&id_article=1055
Ils parlent également de cet "incident".

En tout cas, en tant que future éducatrice, ce qui est sur, c'est que je na travaillerai pas dans les EPM!!

lucil a dit…

Autre info envoyé spécial intéressante concernant le red bull et pourquoi il a été autorisé en France après tant d'années interdit... vas voir, ça vaux le coup!

Kiwi a dit…

je l'es déjà vu tout ça c pour les gros sous on le sais bien